miércoles, 19 de enero de 2011



J’ai connu l’enfant qui vole
Il y a des larmes de charbon
Suspendues à ses joues de craie.
Son frère,
Le clown triste
Renverse le sable brûlant
Des feux de la piste.
Ses bras de satin
L’ont porté de ville en ville.
Il marche sur la ligne de l’horizon,
Au dessus des saisons.
Son corps se souvient
Du contrepoids de la terre
Au premier matin de l’envol.
A l’heure où se couche
Le dernier enfant,
Sa vie devient,
Quelque chose de léger
au dessus des foules.
Son corsage de soie
Retient sa conscience plume.
Pour lui les étoiles de la piste,
Le ventre nu.
Pas de cartable,
Pas de livre,
Il passe sa vie, aérien.
Le magicien range sa valise.
Il parle aux animaux sauvages. 
Demain il s’envolera à nouveau,
Seule une trace de roue,
Le fer et la grille.
Le songe nomade achevé,
Il faut tourner le dos à l’enfant.
Marchant le long du fleuve,
Derrière la grille,
Je rêve d’être :

             l’enfant qui vole.
 

( Extrait de "Le prénom de l'existence"  de Laurent Perrot )

jueves, 13 de enero de 2011

Interprétation


Sans le toucher,
Elle devine,
La ressemblance des corps
Sous l’accoutrement quotidien.
Lui,
Sans le vouloir,
C’est partout qu’il expose
Ses acrobaties énigmatiques.
Fragilité sans faiblesse,
Et orgueilleuse pudeur.
Il parle à reculons,
Le regard au bord du vide.
Elle voudrait qu’il s’approche,
De quelques mots seulement.
Pourtant,
Même la tête baissée,
Ses yeux sont trop saillants
À ceux de celui qu’il regarde.
Il le sait.
Il contemple son visage.
Elle sait qu’il sait qu’elle devine.
Il aperçoit la blessure de ses lèvres,
Un vent mécanique
De propos dérisoires.
Meilleure interprète que lui,
Elle peut encore sourire.
Le temps d’un souffle,
Elle entrevoit
Par-delà ses maladresses,
Son espoir élégant
Au renoncement
De toutes les turpitudes.


( Extrait de "Le prénom de l'existence"  de Laurent Perrot )

sábado, 1 de enero de 2011


IV



Sa carcasse brille, je monte au cœur de l’engin. Je plaque la monnaie sur le zinc, la machine crache un billet pour d’autres horizons, ses boyaux de moteur gronde, je m’évade enfin dans l’enfer des villes. C’est mon voyage à moi. C’est le transfert extravagant des masses. Dans ce mouvement, l’espoir n’est plus indispensable. Nous savons que durant le trajet tout peut arriver. Et c’est là que véritablement se changeront nos vies en quelque chose de désirable ou bien de plus insignifiant.

Trop exposé à des orgueils semblables, il faut que je me protège, le cœur de cet engin est une cachette idéale. Au-delà des étendues de la grande savane et du plus profond des temples d’Angkor, je ferais ce voyage tous les jours. Je laisse mes pensées glisser sur l’asphalte, elles s’abandonnent comme des reflets étincelants sur ce capot d’argent. Je vois le monde d’en haut. Le regard rivé par-delà la fenêtre, je suis au sacre d’un corps enfin invisible. Mon impudeur est sans limite. Entre moi et les hommes souffle un cristal fin et inquiétant. A travers lui je contemple à travers eux. Les lueurs de la ville m’ont rendu flou pour ne plus les déranger dans le fond de leurs contradictions.

J’ai dans les yeux les larmes d’une gélatine anthropologique. Je pleure cette extraordinaire étrangeté du quotidien. C’est son insoutenable simplicité qui me transporte, non plus cet engin vrombissant. Dans les rugissements mécaniques et l’odeur noire de cette ville, je retrouve la volupté des sentiments. Il peut ne plus y avoir de chemin, que l’homme n’invente jamais la roue. Je peux désormais renaitre, vivre et mourir attacher à la terre, cette richesse est dans mes mains. Je l’ai compris assis au rang des passagers.

Assis, en alerte, je contemple une armé de gens de la petite vie, les poches vides, les sacs vomissant de factures. Sous leurs rires, serrée entre les dents, on devine la fatigue des jours passés à attendre quelque chose de mal défini. Je lis en eux des ambitions sublimes et des velléités mesquines, ce sont les mêmes que les miennes.

Demain est un autre jour disent-ils. Demain, ils remonteront dans la carcasse de l’ engin. Ils souligneront le regard tendu ces même images de bord de route. Ils savent que c’est le long de ce trajet que pourrait véritablement changer leur vie. A cette condition, de ne plus descendre à l’arrêt attendu.


( Extrait de "Anthropologie du hasard"  de Laurent Perrot )